Vingt-troisième abbesse.
1223-1230.
Elle commence à gouverner l’abbaye avant Pâques 1223 (N-S) et pour attirer sur son monastère les bénédictions du ciel elle fit une sainte société de prières avec l’abbé et les religieuses de Saint-Germain-des-Prés. Ces sortes de sociétés étaient fort en usage dans l’ordre de Saint-Benoît ainsi qu’il paraît par tous les nécrologes des abbayes tant d’hommes que de filles. A la mort de chaque religieux ou religieuse des maisons unies, on envoyait des lettres appelées rotulaires parce qu’elles étaient écrites en long rouleaux pour demander les prières convenues dans l’association.
Quelques années après son élection, Florence et ses religieuses prièrent l’évêque de Chartres de régler un différent qui était entre elles au sujet de la présentation aux bénéfices. L’abbesse prétendait avoir seule le droit, les religieuses de leur côté, soutenaient qu’elles devaient y être appelées. Il fut réglé que l’abbesse ne pouvait présenter aucune nomination qu’après avoir eu le consentement de sa communauté; que si elle le refusait, celui que l’abbesse aurait nommé serait reçu pourvu qu’il eut les qualités requises.
Le monastère de Chelles, outre les cures, avait six prébendes et six chapelles dont les revenus de ses petits bénéfices consistaient en 18 arpents de terre et vigne, 2 sols de rente et 9 setiers de blé. Les bénéficiers étaient logés dans un cloître séparé et avaient pain, vin, viande et potage. C’est ce qu’on nomme le pain de chapitre.
En 1226, le monastère fut entièrement brûlé. Tous les ornements de l’église, l’argenterie et ce qu’il y avait de plus précieux fut réduit en cendres.
Les religieuses étaient réduites à l’extrême misère. Elles se réfugient dans leur famille. Elle demande un abri à la charité publique.
Mus par un sentiment de tendre passion, les abbés et les abbesses les plus illustres par leurs mérites firent une lettre circulaire la plus pathétique et la plus touchante et en laquelle ils exprimèrent par les termes les plus forts l’état désolant de cette sainte maison. Les abbés qui y souscrivirent furent ceux de Saint-Germain-des-Prés, de Saint-Denis-en-France, de Sainte-Geneviève, de Saint-Victor, de Saint-Magloire, de Saint-Maur-des-Fossés, de Livry, de Saint-Faron, de Rebais, les prieurs de Saint-Martin-Des-Champs, de Saint-Jacques-de-Paris, le prieur des frères mineurs et plusieurs autres.
Les abbesses furent celles de Soissons, de Jouarre et de Faremoutiers, de Saint-Antoine-de-Paris, d’Hyères, de Saint-Rémy-de-Senlis, de Saint-Florentin et plusieurs autres.
L’évêque de Paris s’intéressa également à ce grand élan de charité et, pour en développer le mouvement, il autorisa le transport, à travers la France, des saintes reliques qui avaient pu échapper aux flammes.
Les offrandes furent généreuses. Elles suffirent au rétablissement du monastère. On commença par les bâtiments de première nécessité, les cellules d’abord, pour le logement des religieuses, les lieux réguliers ensuite, et enfin la réédification de l’église.
A cette époque, l’art gothique atteignait sa perfection, les abbatiales s’élevaient avec leur riche architecture. Telle fut la nouvelle église de Chelles.
L’église que l’incendie venait de détruire était celle à la construction de laquelle avait présidé Giselle, sœur de Charlemagne. La nouvelle église, construite sous l’administration de Florence, ne devait pas durer deux siècles et devait être détruite par le feu du ciel.
Reconstruite sur le plan de l’ancienne basilique de Giselle, avec des proportions toutefois moins vastes, elle conserva autant que possible les parties épargnées par le feu.
C’est une croix latine dont le sanctuaire forme la tête, la nef la longueur et le pied, et le transept les deux bras. Il y a des bas côtés. Autour du sanctuaire règne une galerie de chapelles absidiales avec des voutes surbaissées. La chapelle du chevet était sous le vocable de sainte Bathilde, où se réunissaient les membres de la confrérie érigée en son honneur. A droite et à gauche se trouvent les chapelles de Saint-Vincent, de Saint-Pierre, de Saint-Jean-Baptiste et de Saint-Jean-l’Evangéliste. Le déambulatoire était éclairé par de larges fenêtres basses, ornées de vitraux du treizième siècle, représentant les principaux actes de la vie du saint de chaque chapelle. Le jour arrivait d’en haut avec un second rang de fenêtres ogivales.
Les deux bras du transept ont à peu près la même profondeur que le sanctuaire, c’est-à-dire deux travées de construction chacun. Au lieu d’être en droite ligne les deux pignons du nord et du midi offrent un plan oblique, d’après l’architecture du neuvième siècle , ce qui indique des restes de l’ancienne abbatiale.
La nouvelle nef étant de trois travées, plus courte que l’ancienne, le portail roman était isolé dans la cour du couvent. Il a été conservé jusqu’au dix-huitième siècle et on peut en lire avec intérêts une description.
Ce portail est tout à fait en demi-cercle ou anse de panier. Ce demi-cercle est subdivisé en deux. Dans l’un le sculpteur parait avoir voulu, représenter les travaux des hommes durant chaque mois et à l’autre les douze signes du zodiaque. Celui des poissons est très facile à remarquer. L’ouvrage de ce portail peut n’être que du dixième ou du onzième siècle (1).
L’intérieur de cette nouvelle église est embelli de galerie à l’antique, d’un gothique grossier. Les vitrages sont colorés, comme ceux de l’abbaye de Saint-Denis ou autres églises du treizième siècle, c’est-à-dire d’un rouge très foncé.
A cheval sur le milieu de la toiture de la nef s’élançait une belle flèche qui mesurait une hauteur de 200 pieds au dessus du sol.
Dans le côté septentrionale de la croisée dans une chapelle dite de Saint-Eloi et de Saint-Benoît, près de l’autel, on y voit une tombe élevée de plus de deux pieds qu’on dit couvrir l’ouverture d’un caveau dans lequel est le tombeau du roi Clotaire III, fils de sainte Bathilde.
Ce tombeau est plus étroit aux pieds qu’à la tête, tourné vers l’orient et par-dessous la figure d’un lion, il tient son sceptre de la main droite et sa gauche est posée sur l’agrafe de son manteau comme sont les représentations des anciens rois enterrés à Saint-Denis. Son épitaphe autour est en caractère gothique capitaux du treizième siècle.
La reine l’avait fait inhumer dans l’église Sainte-Croix. On transporta plus-tard ses cendres dans Notre-Dame. L’abbé Chastelain assure, dans le manuscrit de ses voyages, qu’il vit à Chelles, parmi les livres du monastère, ce bréviaire gothique et qu’il y aperçut, au premier avril, une fête intitulée Inventio sancti Clotarii.
La chapelle contigüe à celle de Saint-Eloy est sous l’invocation de Saint-Vincent qui plus-tard sera Saint-Roch. La chapelle de Sainte-Bathilde est dans le fond de l’église destinée à une confrérie érigée en son honneur, on y voit de plus les autels de Saint-Pierre et de Saint-Jean. Le sanctuaire de cette basilique est orné de diverses incrustations de marbre. Et le tabernacle d’argent massif.
Florence, avant de mourir eut la consolation de voir son monastère entièrement rétabli. La collecte de l’aumône couvrit tous les frais de l’incendie. L’abbesse put même augmenter les biens du couvent par de nouvelles acquisitions en maisons, vignes et prés.
Mathieu de Montmorency, connétable de France lui céda l’exemption des droits à payer pour les blés qui passaient sur le pont de Pontoise. Il y ajouta la donation d’un clos de vigne (1228).
L’abbesse Florence mourut en 1230, sous la régence de Blanche de Castille.
(1) Madame d’Orléans, abbesse de Chelles à fait graver un plan de ce portail en 1720 (Ce plan n’existe plus)
Explication des figures hiéroglyphiques sculptées sous un double rang de voussoirs d’un ancien portail de Chelles que l’on a été obligé d’abattre en 1752.
Figures du cintre extérieur :
1- mufle d’un tigre, d’où sortent plusieurs ornements et rinceaux
2- deux cigognes mortes, entortillées par le col
3- Samson qui déchire la gueule du lion ; on lui fait beaucoup de cheveux
4- Une femme estropiée qui est tétée par deux monstres qu’elle soutient
5- un coq qui a les ailes déployées, pour marquer la vigilance
6- Samson qui attache les brandons à la queue des renards
7- un oiseau qui grimpe
8- des entrelacs
9- tête de bouc entourée de lambrequins
10- Bouc rampant contre un arbre
11- Nœud entrelacé
12- Monstre qui n’a qu’une tête sur deux corps
13- Trois poissons suspendus
14- Une espèce de chérubin avec deux bandelettes
15- Espece d’entrelacs
16- Des feuilles en ornement
17- Un bouc passant sur un arbre et tournant la tête pour brouter
18- Une figure assise tenant des lambrequins
19- Un autel et une victime dessus
20- Les deux dernières pierres sont totalement ruinées
Explication du cintre intérieur
A- Vestige d’une tête et d’animaux très ruinés
B- Deux figures de satire très endommagées
C- Une figure assise qui lit dans un livre
D- Une figure qui arrête un bouc par les cornes
E- Tobie qui tient un poisson par la queue
F- Noé et sa famille dans l’arche
G- Caïn qui tue son frère Abel
H- Le seigneur qui reprend Caïn sur le meurtre de son frère
I- Un monstre marin qui tient deux autres monstres
K- Un homme qui tient du fruit dans son vêtement
L- Figure mutilée qui cueille des raisins
M- Figure dans une tonne et une autre qui ramasse quelque chose
N- Figure dans une cave, autre figure qui tient un pot
O- David fort âgé qui joue de la harpe, et la Sunamite appuyée sur lui
P- Tout est ruiné, il ne paraît qu’un enfant renversé
Q- R- Les deux pierres sont employées à deux figures de vieillards l’un pourrait être Melchisédech qui tient le pain de proposition, et l’autre est appuyé sur lui.
(DOM PORCHERON, bibliothèque diocésaine de Meaux, TR 436.34. 326).
(BERTHAULT, l’abbaye de Chelles, résumés chronologiques)
(L’ABBÉ C.TORCHET, Histoire de l’abbaye royale Notre-Dame de Chelles)
(J-P LAPORTE, étude sur le portail roman disparu, arch. E. Desthuilliers).